Annie Morin, Le Soleil, publié le 26 octobre 2013
Le Port de Québec n’a pas le droit de construire ou de laisser construire un hôtel et des résidences autour du bassin Louise ou ailleurs sur les terres fédérales dont il a la gestion. Ces usages ne sont pas permis dans ses lettres patentes. Avant tout développement immobilier, il faudrait qu’Ottawa accepte de les modifier.
Les lettres patentes, c’est le document juridique par lequel le gouvernement fédéral délègue ses pouvoirs et précise le fonctionnement des administrations portuaires, sociétés à but non lucratif qui exploitent les principaux ports canadiens et gèrent les terres de la Couronne environnantes.
Le Soleil a demandé à Transports Canada, le ministère fédéral dont relèvent les ports, si l’Administration portuaire de Québec (APQ) pouvait construire et exploiter un hôtel ou des complexes résidentiels ou encore louer des terrains à des promoteurs qui prendraient les choses en main.
Cela fait deux ans que cette idée est dans les cartons. Mercredi, le président-directeur général du Port, Mario Girard, a confirmé que les plans de réaménagement du bassin Louise incluent un hôtel, des résidences et des commerces, en plus de la marina et du marché public déjà en place.
Roxane Marchand, porte-parole de Transports Canada, a répondu par courriel, seul moyen d’obtenir une réponse du gouvernement fédéral, que «le développement résidentiel et hôtelier ne font pas partie des lettres patentes» de l’APQ. «Les administrations portuaires canadiennes peuvent s’engager uniquement dans les opérations et activités permises dans leurs lettres patentes», a-t-elle précisé.
L’article 28 de la Loi maritime du Canada donne le cadre général de ce que les administrations portuaires peuvent faire. Il est question d’«activités portuaires liées à la navigation, au transport des passagers et des marchandises, et à la manutention et l’entreposage des marchandises» et des «autres activités qui sont désignées dans les lettres patentes comme étant nécessaires aux opérations portuaires».
Pas un promoteur
Le Soleil a aussi demandé au Port comment il voulait procéder pour le développement immobilier planifié autour du bassin Louise. Son porte-parole, Anick Métivier, a précisé, lui aussi par courriel, que «l’APQ n’envisage pas d’agir à titre de promoteur. En tant qu’autorité portuaire, nous allons exercer le leadership du projet en plus d’être le gardien de sa vision d’ensemble. L’APQ agirait également à titre de locateur des terrains».
La vente de terrains n’a jamais été considérée comme une option, car le produit de la vente devrait être retourné au Trésor du Canada. Le Port n’en tirerait donc aucun bénéfice.
M. Métivier a admis que tout projet d’hôtel ou de condos, voire de commerces, devrait être autorisé par le gouvernement fédéral et que «les lettres patentes que nous possédons devront alors être modifiées».
Ce serait un précédent de le faire pour cette raison. «Depuis l’entrée en vigueur de la Loi maritime du Canada et la création des administrations portuaires [en 1998], Transports Canada n’a pas modifié les lettres patentes pour permettre des développements de projets immobiliers résidentiels sur le territoire portuaire», peut-on lire dans la réponse de Transports Canada.
Toutes les modifications des lettres patentes doivent être approuvées par le ministre fédéral des Transports, qui s’assure qu’elles sont compatibles avec la Loi maritime du Canada. Habituellement, elles concernent des ajouts ou des retraits de terrains. Il faut compter environ un an pour passer au travers du processus.
Le Port est persuadé de voir son projet accepté, même si aucune demande officielle n’a encore été déposée. «Nous sommes d’avis que le bassin Louise est un projet de renouvellement urbain unique au Québec. Il y a avec ce projet la possibilité de développer un endroit qui deviendra une signature exceptionnelle pour la région», fait valoir Anick Métivier.
Droits acquis pour certains immeubles
Il y a déjà des condos, des commerces et une agora sur les terrains du Port de Québec. Ils ont le droit d’y être parce qu’ils ont été construits avant la création de l’Administration portuaire de Québec, qui a remplacé la Société du port de Québec en 1999.L’article 28 de la Loi maritime du Canada permet en effet à une administration portuaire de «continuer à utiliser les immeubles et les biens réels qu’elle gère, détient ou occupe aux fins auxquelles ils étaient utilisés» le jour de la délivrance de ses lettres patentes, même s’ils ne servent pas à des activités portuaires évidentes.
S’ils sont abandonnés par contre, impossible d’y revenir. Les Terrasses du Vieux-Port et les Quartiers de l’Académie, immeubles résidentiels dont l’emplacement a été critiqué lors de la construction, sont là depuis 1987 et 1995. L’agora, vestige des fêtes de Québec 1984, a été rénovée pour le 400e anniversaire de la capitale.