Adieu, Beauport 2020

Section Idées, Le Devoir, publié le 17 avril 2019

Le temps est venu de regarder du côté d’un avenir plus porteur pour la collectivité régionale: l’assainissement et la décontamination des friches industrielles qui longent les terrains du port de Québec.
Photo: Pierre Lahoud.  Le temps est venu de regarder du côté d’un avenir plus porteur pour la collectivité régionale: l’assainissement et la décontamination des friches industrielles qui longent les terrains du port de Québec.

 

Il faut se rendre à l’évidence, à moins d’une année de l’échéance, il n’y aura pas de Beauport 2020. Et c’est très bien ainsi. Le temps est venu de changer de cap et de prendre celui de la décontamination et de la modernisation des installations actuelles.

Pourtant, ayant renoncé à son pouvoir d’autorisation et sans même s’appuyer sur un examen environnemental ou même une analyse d’opportunité économique, le gouvernement du Québec vient d’accorder son soutien moral à Beauport 2020. Il fait fausse route.

Soumis à l’examen de l’Agence canadienne de l’évaluation environnementale depuis août 2015, le processus d’approbation semble enlisé. Haro sur la bureaucratie, diront certains. Selon nous, ce retard est d’abord attribuable à l’Administration portuaire de Québec, incapable de justifier correctement son projet au regard de ses impacts majeurs mis au jour par les experts et les organismes citoyens.

Beauport 2020 vise en effet un agrandissement du quai existant sur une distance de plus de 610 mètres, à même le fleuve, dans la baie de Beauport. Une première version du projet visait à hausser considérablement le transport et l’entreposage de vrac liquide et de produits hautement inflammables. Le projet vise maintenant l’implantation d’une industrie de transport de conteneurs (un demi-million annuellement).

Un projet mal fagoté

Quelle que soit la fonction visée, le projet Beauport 2020 est mal fagoté depuis son origine. Par un empiétement majeur sur le fleuve et un dragage de sédiments (plus d’un million de tonnes, dont une partie est fortement contaminée), il entraînerait des impacts démesurés en matière de destruction d’habitats fauniques. Il détruirait une rare aire de reproduction du bar rayé, espèce disparue et réintroduite après de grands efforts au tournant des années 2000. Il réduirait aussi de façon importante l’utilisation et la jouissance de la seule plage fluviale de Québec. Enfin, le transport d’un demi-million de conteneurs risquerait de perturber les quartiers centraux de Québec et le réseau routier de la capitale. Tout cela ajouterait à l’irritant phénomène de dispersion des poussières rouges, grises ou noires, pollution qui affecte directement la santé de dizaines de milliers de citoyens qui habitent les quartiers avoisinants.

Il faut en prendre acte et faire cesser ce théâtre. Le temps est venu de regarder du côté d’un avenir plus porteur pour la collectivité régionale : l’assainissement et la décontamination des friches industrielles qui longent les terrains du port. Dans le dernier budget du gouvernement du Québec, il y a déjà ouverture en ce sens. Présenté pour la première fois en février 2019, le projet de « Zone d’innovation du redéveloppement du littoral est » vise à décontaminer et à revitaliser des terrains vacants le long du fleuve pour y attirer des entreprises de pointe. Cet espace, d’une superficie totale de 3,9 kilomètres carrés, s’étire de la zone portuaire à la chute Montmorency.

À ce projet emballant, il faudra absolument ajouter la mise à niveau des installations portuaires. Cette phase passe d’abord par une décontamination des lieux, l’entreposage et la manutention sous abri du vrac minier et la consolidation des quais existants. Bref, il y a impératif évident d’améliorer les infrastructures et la logistique du port de Québec. Est-il pensable de vouloir créer un nouveau quartier vert, avec ses entreprises de haute technologie, ses bureaux, ses commerces de proximité et son aire résidentielle, s’il doit demeurer dans le voisinage immédiat d’énormes quantités de vrac et de terrains contaminés ? Qui voudra s’installer au coeur d’une telle pollution portuaire alors que d’autres espaces d’accueil propices à ces usages sont disponibles ?

Le Port a déjà dans ses cartons un projet de modernisation de 300 millions, un projet urgent. L’administration portuaire l’a repoussé aux calendes grecques au profit d’un projet plutôt improvisé et mal ficelé appelé Beauport 2020. Pourquoi ne pas faire renaître cette idée de grand chantier de modernisation ? Pour reprendre les mots du chroniqueur François Bourque, « et si on poussait le rêve un peu plus loin ? »

Signataires : Christian Simard, directeur général de Nature Québec ; Pierre-Paul Sénéchal, président du GIRAM ; Harvey Mead, ex-sous-ministre de l’Environnement ; Michel Lessard, historien ; Véronique Lalande, Vigilance citoyenne port de Québec ; Louis Duclos, ex-député au Parlement du Canada ; Dominic Champagne, Pacte pour la transition ; Laure Waridel, Pacte pour la transition ; Daniel Guay, Accès Saint-Laurent Beauport ; Bernard Vachon, géographe ; Gilbert Lacasse, Sainte-Pétronille, île d’Orléans.

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