Ces commentaires réfutent d’emblée l’idée que ce nouveau terminal puisse être dédié au transbordement à partir de gros navires à de plus petits, ceci pour des raisons de rentabilité économique bien documentées. Le GIRAM avance plutôt un scénario selon lequel 60 % des conteneurs arrivant à Québec pourraient bien en ressortir au moyen de camions-remorques, contre 40 % par trains (scénario inverse du port de Montréal).
Un tel scénario impliquerait que plus de 1000 camions jour emprunteraient Henri-Bourassa et l’autoroute de la Capitale, ce qui aurait pour conséquence majeure de chambarder le système de transport de la Capitale. En réplique à une telle hypothèse, le Port avance plutôt un scénario 85 % rail vs 15 % camions, sans toutefois en faire la moindre démonstration.
Ce scénario pratiquement «tout-train» du port de Québec est-il crédible? À priori non, si on se fie aux études réalisées pour le compte de Transport Canada. Le marché cible des conteneurs arrivant à Québec sera celui de l’ouest du Québec et des Grand-Lacs. Plus loin à l’intérieur du continent, on est dans le marché des ports de New York et du Mississippi, lesquels bénéficient d’avantages concurrentiels importants sur les ports du Saint-Laurent.
En matière de choix de desserte terrestre, ce n’est pas le Port de Québec qui va décider, ce sont les clients. Or, à ce chapitre, les études de Transport Canada sont éloquentes : «Les coûts du camionnage sont inférieurs à ceux du transport par rail lors de déplacements courts, alors que l’inverse est vrai lors de déplacements sur de longues distances. Le point d’équilibre des coûts se situerait entre 1000 km et 2000 km». Exemple donné pour un conteneur de 20 pieds, partant de Montréal pour Toronto (506 km) : 1010 $ par train, 755 $ par camion.
Il faut considérer que les marchés de conteneurs que sont Toronto, Hamilton et Detroit, demeurent dans la zone des «déplacements courts» lorsqu’ils répondent à un marché de «juste à temps». Le Port de Québec est à 808 km de Toronto et à 874 km d’Hamilton. Ce n’est finalement qu’avec la destination de Detroit (1190 km) que le train commencerait à devenir réellement gagnant. L’étude de Transport Canada affirme même que pour ces distances dépassant les 1000-2000 km, «le transport par camion offre un avantage quant à la rapidité de la livraison et à la fréquence des déplacements, ce qui attire souvent les expéditeurs en dépit de prix plus élevés.
On a bien des raisons pour réfuter le scénario avancé par le Port de Québec. Les récents échecs des silos à granules, du projet Duc-d’Albe et du transport de vrac liquide à Beauport sont suffisamment probants. Ils ne font qu’ajouter à cette interrogation sur la capacité de l’Administration portuaire de produire des études de marchés crédibles. D’où vient alors cette réputation à toute épreuve dont elle bénéficie dans les cercles politiques de la Capitale et du gouvernement du Québec?
(Ray Barton and Associates Ltd. en collaboration avec Logistics Solution Builders Inc. et The Research and Traffic Group. Frais d’exploitation du camionnage et du transport intermodal de surface au Canada. Mars 2008. Préparé pour Transport Canada).
Pierre-Paul SénéchalPrésident du GIRAM et ex-conseiller socio-économique, gouvernement du Québec