Les zones grises de Beauport 2020

Pierre Asselin, Le Soleil, publié le 07 février 2017

(Québec) ÉDITORIAL / Les jeux sont-ils déjà faits pour le projet d’agrandissement Beauport 2020 du Port de Québec? Plusieurs groupes et citoyens ont exprimé des préoccupations lors des audiences de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, la semaine dernière, mais les appuis politiques manifestés jusqu’ici, du maire de Québec jusqu’au ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, donnent l’impression que le processus d’évaluation en cours vise plus à optimiser le projet qu’à statuer sur sa pertinence.

L’Administration portuaire a fait ses devoirs dans le cadre du processus d’évaluation, mais il subsiste malheureusement d’importantes zones grises sur les questions les plus fondamentales : Qui seront les utilisateurs? Quels seront les principaux produits transbordés?

Le Port de Québec n’a toujours pas signé de contrats avec des clients potentiels pour l’agrandissement proposé. Quand on sait que plusieurs projets d’expansion, par le passé, ont avorté en raison du retrait des utilisateurs ciblés, on est en droit de se poser des questions sur cette lacune.

Des citoyens craignent que le projet camoufle, d’une certaine façon, l’aménagement d’un terminal pétrolier destiné aux producteurs de l’Ouest canadien. Ça n’est certainement pas impossible mais ce ne sont, jusqu’ici, que des spéculations. Elles continueront toutefois d’être alimentées tant que l’administration portuaire ne sera pas en mesure de préciser à quoi serviront les aménagements projetés.

Un des principaux arguments à l’appui de cette expansion reste le besoin pour le Port d’accroître ses revenus afin de dégager les marges de manoeuvre nécessaires pour financer les importants travaux de réfection, négligés depuis longtemps, qui sont incontournables pour maintenir les installations existantes en bon état.

Le chapitre de l’étude d’impact portant sur la justification du projet précise en effet que le Port n’a tout simplement pas le choix, puisqu’«aucune autre source de revenus n’est disponible pour financer ces travaux».

En vertu de la loi qui a créé l’administration portuaire, il lui est interdit «de vendre directement un terrain ou de le mettre en garantie. Il ne lui est également pas permis d’hypothéquer la valeur de ses actifs», peut-on lire.

Si c’est réellement le cas, peut-être serait-il temps de s’interroger sur ces limitations. Il vaudrait mieux pour le ministre Garneau de s’occuper de cette question, et laisser sa collègue de l’Environnement s’occuper de l’évaluation environnementale.

S’il faut procéder à l’expansion du Port, au moins qu’on le fasse en connaissance de cause, et pour les bonnes raisons. Il est vrai qu’il reste peu d’options d’expansion, dans cette partie du fleuve, s’il veut prendre de l’expansion, mais il n’existe aussi pas d’équivalent à la plage de la Baie de Beauport, qui constitue un actif de plus en plus important pour les citoyens.

Mais surtout, Québec constitue-t-elle vraiment le meilleur choix pour devenir une plaque tournante du transbordement du matériel en vrac, étant donné l’emplacement du port? La question déborde le cadre de l’évaluation en cours, mais on ne peut l’évacuer pour autant.

C’est la ville de demain qu’on est en train de dessiner, cela exige de la prudence et de la réflexion. C’est dans cet esprit qu’on a assuré la protection des battures de Beauport. Et si on veut prendre les bonnes décisions, il faut commencer par poser les bonnes questions.

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