Agrandissement du port de Québec: exit les poussières

Annie Morin, Le Soleil, publié le 09 février 2017

(Québec) Alors que les poussières émanant du port de Québec ont fait les manchettes et entraîné le dépôt de deux recours collectifs, l’étude d’impact environnemental portant sur le projet d’agrandissement dans le secteur Beauport en fait très peu de cas, déplore l’Initiative citoyenne de vigilance du port de Québec.

Le groupe mené par Véronique Lalande et Louis Duchesne dépose son mémoire ciblant les thèmes connexes des poussières et de la qualité de l’air vendredi, dernier jour pour faire parvenir des commentaires à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. Une centaine de citoyens cosignent le document.

Ils dénoncent notamment le fait que l’Administration portuaire de Québec (APQ) n’a pas mesuré les poussières qui retombent déjà sur le voisinage ni modélisé celles liées aux opérations futures du quai multifonctionnel, mais seulement celles potentiellement générées pendant la phase de construction.

«Les préoccupations citoyennes, elles ont été soulevées parce que les gens reçoivent des particules grossières, des dépôts. On a souvent dit qu’on pourrait recevoir de la garnotte en continu, aucun des équipements de qualité de l’air» ne le détecterait, commente Mme Lalande.

«Pour les dépôts, on n’a pas documenté, on n’a pas modélisé et on a mis le bruit de fond à zéro. Zéro! Quatre cents articles de journaux, 35 ans de témoignages, deux recours collectifs, les procédures judiciaires des autorités envers le Port. Chaque fois, c’était pour des dépôts et on met le bruit de fond à zéro. Alors que techniquement, ça ne se peut même pas», continue-t-elle. «Même si tout est à couvert, il y aura toujours bien une graine!»

La porte-parole de l’Initiative citoyenne croit que les représentants du Port agissent ainsi, car «le milieu est saturé et ils le savent». «Donc qu’est-ce qu’on fait, on dit que ça n’existe pas!» dénonce-t-elle.

Les analyses du Port révèlent d’ailleurs que les normes de qualité de l’air pour les particules respirables d’un diamètre inférieur à 2,5 microns (PM 2,5) ne sont pas respectées actuellement et ne le seront pas davantage après l’agrandissement. D’autant que le seuil à ne pas dépasser pour les particules fines sera abaissé en 2020, a déjà annoncé le Conseil canadien des ministres de l’Environnement.

Le regroupement citoyen critique également le fait que seulement deux stations d’échantillonnage ont été considérées pour faire l’analyse de la qualité de l’air, soit la station gouvernementale du Vieux-Limoilou (Des Sables) et la station de la 2e Avenue opérée par l’APQ. Cela alors que le Port compte une dizaine de stations supplémentaires sur ses terrains.

Les données présentées sont aussi très limitées dans le temps. Elles remontent à 2013-2014 pour la première et seulement 2015 pour la seconde. «La période de référence n’est pas représentative de la situation moyenne des dernières années», écrivent les auteurs, puisque les quantités de vrac solide manutentionnées ont beaucoup diminué en raison du contexte économique.

Pas de normes à respecter

Le Port se défend en disant qu’il n’y avait pas de demandes relatives aux particules grossières dans les lignes directrices de l’ACEE et qu’il n’y a pas non plus de normes à respecter en la matière au Québec. «On est quand même allés au-delà en estimant les retombées pour la période de construction à partir de la norme en vigueur en Colombie-Britannique et on est arrivés sous les critères», souligne sa porte-parole, Marie-Andrée Blanchet.

Celle-ci rappelle également que «nous avons pris l’engagement que les futurs terminaux de Beauport 2020 allaient être sous couvert».

L’opposition à l’hôtel de ville de Québec rejette le projet

«Nous ne pouvons donner notre aval au projet d’agrandissement du port de Québec tel que présenté. L’étude d’impact environnemental n’a pas fait la démonstration que tout sera mis en oeuvre pour assurer que les risques et les impacts sur la population soient les plus minimes possible. Pour nous, il est impératif que les citoyens de la ville et leur qualité de vie soient au coeur de toutes les décisions prises sur notre territoire», a déclaré la chef de Démocratie Québec, Anne Guérette, dans un communiqué de presse diffusé jeudi matin.

Dans sa lettre transmise à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE), le parti d’opposition s’inquiète notamment que les normes de qualité de l’air et de pollution lumineuse soient déjà dépassées et continuent de l’être.

«D’un point de vue de sécurité publique, l’étude reste muette sur le transport de matières dangereuses qui augmentera inévitablement», écrivent Mme Guérette et son collègue Paul Shoiry, reprenant à leur compte les inquiétudes des citoyens de Limoilou vivant près des voies ferrées. Les conseillers municipaux considèrent également que le réaménagement de la baie de Beauport aura des effets négatifs sur le paysage et la pratique des sports nautiques.

En entrevue téléphonique, Mme Guérette s’interroge aussi sur la création d’emplois. «Ça va être quoi concrètement, nous ici à Québec, qu’on va avoir comme retombées? Parce qu’une chose est sûre, les inconvénients, c’est nous qui vivrons avec», dit-elle.

Celle qui affrontera Régis Labeaume à la mairie déplore «la façon dont le maire de Québec s’est prononcé favorable, en soutien [au Port] alors qu’il y a tellement de questions qui émanent de la part de ses citoyens».

Le 9 janvier, M. Labeaume a réitéré publiquement son appui sans réserve au prolongement de la ligne de quais et au remplissage de l’arrière-quai dans le secteur de Beauport afin de créer un quai multifonctionnel en eaux profondes.

Quelques jours plus tard, en réponse aux attaques de l’opposition et à la grogne citoyenne, il s’est engagé à protéger d’abord les résidents de Limoilou. «Si cet agrandissement a des conséquences négatives, nous serons avec la population avant les intérêts du Port», avait-il tempéré.

Il a été impossible, jeudi, de savoir si la Ville de Québec allait envoyer à l’ACEE des commentaires sur l’étude d’impact environnemental du port.

Véronique Lalande a quitté Limoilou

Véronique Lalande, le visage de la contestation des activités portuaires et grande critique de la pollution atmosphérique au centre-ville, n’habite plus Limoilou. La jeune femme et sa famille ont déménagé à Stoneham en septembre pour des raisons de santé et de qualité de vie. «Quatre jours après, je n’avais plus d’allergies!» témoigne la principale intéressée. Mme Lalande s’est fait connaître du grand public à l’automne 2012. Elle a alerté les autorités et les médias après qu’un nuage de poussière rouge, de l’oxyde ferreux transbordé par Arrimage Québec, eut recouvert le quartier Limoilou et une partie du Vieux-Québec. Ayant recueilli des échantillons de poussières sur son balcon, elle les a fait analyser et découvert qu’ils contenaient de nombreux métaux lourds. Mme Lalande et son conjoint, Louis Duchesne, ont ensuite lancé au nom des citoyens de Limoilou deux recours collectifs contre le Port de Québec et Arrimage Québec.

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