Quel avenir pour le bassin Louise?

François Bourque, Le Soleil, publié le 16 janvier 2017

(Québec) CHRONIQUE / À l’avant-plan, une barque amarrée à un lampadaire et d’autres plus loin, le long du quai de pierres, devant les façades de commerces illuminées qui enveloppent l’anse et invitent à s’asseoir.

Le proprio Kais Tarragi avait acheté le tableau d’un Libanais il y a quelques années, croyant y reconnaître le vieux port de Bizerte, en Tunisie.

Des clients l’ont depuis fait douter, convaincus d’y avoir reconnu plutôt un port en Grèce. À d’autres, le tableau rappellera des villages côtiers de France ou d’Italie.

En fait, le tableau décrirait un lieu imaginaire que ça ne changerait rien. Ce que j’ai aimé, c’est cette façon toute simple d’habiter le bord de l’eau par une promenade, des tables et des chaises.

Cet art, si spontané en Europe et ailleurs, continue de nous échapper.

On occupe de mieux en mieux le bord du fleuve par des parcs et des promenades, mais on compte encore sur les doigts d’une petite main les lieux où manger et prendre un verre au bord de l’eau.

Je me suis toujours demandé pourquoi. Le climat difficile de Québec n’empêche pas des restaurateurs d’ouvrir des terrasses ailleurs en ville.

Ce tableau au mur du bistro m’avait fait penser au bassin Louise. Je l’imaginais un soir d’été avec des terrasses sur l’eau, les voiliers et les aurores boréales sur la Bungee.

Cette image m’est revenue en voyant l’invitation de la Société des gens de baignade à réfléchir à l’avenir du bassin Louise. La Société veut animer le débat (et déranger un peu) par un film documentaire à paraître l’automne prochain pendant la campagne électorale municipale.

On connaît bien l’agenda des Gens de baignade. Ils militent depuis 15 ans pour une plage au bassin Louise.

Ils s’opposent au projet du Port de Québec dévoilé en juin 2015 qui prévoit une plage de sable… sur le quai, mais sans accès à l’eau.

Ces citoyens disent craindre par ailleurs l’embourgeoisement du bassin Louise si on y construit des condos selon le plan annoncé.

Dans les faits, le Port ne prévoit pas que des condos mais aussi un musée, un hôtel, des bureaux et des espaces de congrès, un nouveau terminal de croisières, etc.

J’avais à l’époque trouvé le projet du Port «prometteur». On allait habiter le pourtour du bassin Louise par des usages diversifiés et conserver le plus essentiel : des espaces publics.

Je pense encore qu’il serait intéressant de construire et de mieux «habiter» le bassin Louise.

Cela doit-il se faire par des immeubles ambitieux et en essayant de jouer dans la cour des grands ports du monde, comme le propose le Port de Québec? (Voir la vidéo à goo.gl/BZbkGu)

Ou serait-il préférable des immeubles plus modestes et linéaires, dans l’esprit du tableau au mur du bistro? Il y a ici beaucoup d’espace pour débattre.

Parlant de documentaire, je viens de revoir le touchant Le grand rêve du Petit Champlain, paru au printemps 2016 (site de Radio-Canada, goo.gl/U0cwVT).

Le film raconte la revitalisation du quartier (1976-1985) par deux promoteurs visionnaires, le «cow-boy» Gerry Paris et le «capitaine» architecte Jacques Deblois.

Bien avant l’heure et la lettre, il s’agissait d’un vrai écoquartier basé sur le recyclage des immeubles et matériaux, les produits locaux (artisanat), les espaces publics, etc.

Cette vision s’était heurtée à l’époque à celle des gouvernements qui privilégiaient le modèle de la place Royale : des reconstructions coûteuses et solennelles imitées des techniques du Régime français.

Le recul de l’histoire a donné raison à l’approche des citoyens dont la rue est aujourd’hui une des grandes fiertés patrimoniale et touristique de Québec.

Cela rappelle que faire plus n’est pas toujours synonyme de faire mieux.

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