Annie Morin, Le Soleil, publié le 08 janvier 2017
(Québec) En raison des risques d’explosion et de formation de nuages de gaz toxiques, il serait dangereux et il devrait donc être interdit de transborder des produits volatils comme l’essence et le méthanol sur le futur quai 54 du port de Québec si des usagers sont présents sur le site de la baie de Beauport.
Pareille précaution ne s’applique pas au terminal de vrac liquide déjà en exploitation car il se trouve un peu plus loin des installations récréotouristiques.
Le Soleil a parcouru l’étude d’impact environnemental sur le projet d’agrandissement portuaire. D’ici 2021, l’Administration portuaire de Québec (APQ) veut prolonger sur 610 mètres la ligne de quai dans le secteur Beauport. Un terminal multifonctionnel de 17 hectares serait ainsi créé. L’aménagement varierait selon les besoins de l’éventuel occupant des lieux, mais l’hypothèse de travail prévoit un espace pour du vrac liquide, un autre pour du vrac solide sous couvert et de l’entreposage de conteneurs.
Une étude de risques – incluse dans les 10 000 pages de documents connexes à l’étude d’impact environnemental – explore des scénarios d’accidents impliquant des matières dangereuses pouvant être reçues, entreposées, manutentionnées et distribuées au Port de Québec. Des simulations sont faites et des mesures de prévention et d’intervention sont formulées.
Le pire scénario
Les auteurs se sont attardés à des produits déjà transbordés au terminal de vrac liquide du secteur Beauport et susceptibles de l’être au quai multifonctionnel planifié à environ un kilomètre de là : l’essence, le jet fuel (carburant d’avion) et le méthanol. Le pire scénario est celui d’un débordement de réservoir avec explosion, feu de flaque au sol et nuage toxique.
Les ingénieurs Stéphanie et Jean-Paul Lacoursière ont conclu que l’essence et le méthanol étaient les plus dangereux car les plus volatils. Les risques d’explosion et de formation d’un nuage de gaz toxiques sont alors accrus dans un rayon de 1,25 kilomètre. Ce qui inclut la plage de la baie de Beauport, où des activités récréatives se tiennent régulièrement, surtout en période estivale. Les résidences les plus proches se trouvent à 1,7 kilomètre.
Comme l’étape du transbordement est la plus risquée, les auteurs du rapport recommandent d’installer des équipements à la fine pointe de la technologie pour détecter tout débordement ou fuite et limiter les débits de transbordement des navires aux réservoirs.
Ils prennent soin d’ajouter qu’«il est impératif de ne pas faire de déchargement de navires lorsque le parc de la baie de Beauport est occupé». Ils recommandent également «par prudence d’appliquer un film de polymère sur les fenêtres des bâtiments situés à l’intérieur du périmètre pour éviter les bris de vitres suite au souffle de l’explosion».
Le transfert de vrac liquide dans des wagons sur le prolongement de la voie ferrée pose aussi problème car l’aire de chargement est planifiée à 65 mètres seulement de la baie de Beauport. La déplacer «le plus loin possible» du parc réduirait le danger.
Extrêmement rare
Le document précise que la probabilité que de tels événements surviennent est extrêmement rare, que le plan d’urgence de l’APQ est remis à jour régulièrement et que la capitainerie est disponible pour répondre aux urgences. «Ces limitations pourraient être levées avec l’évolution de la technologie dans la conception finale des installations, le locataire des installations s’engageant à faire une étude de risques détaillée de ses installations proposées», peut-on lire également.
Le Soleil a demandé à l’APQ ce qu’il en était du transbordement de produits volatils au terminal de vrac liquide de Beauport, exploité par IMTT-Québec et CanTerm. Est-ce que les navires peuvent être déchargés quand la plage est occupée? Oui, a répondu la porte-parole Marie-Andrée Blanchet. «La distance des terminaux par rapport à la plage n’est pas la même que celle de potentielles infrastructures sur le terminal Beauport 2020», a-t-elle précisé.
Vérification faite
Vérification faite, les réservoirs de différentes grosseurs – il y en a au moins une cinquantaine – se situent à une distance variant entre 0,8 et 1,4 kilomètre des espaces récréatifs de la baie de Beauport. Il n’est pas possible de savoir ce que chacun contient et donc les risques associés en cas de débordement.
«Les terminaux actuels de vrac liquide respectent les normes et exigences applicables en termes de risque technologique», assure Mme Blanchet.