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Les ports commerciaux du Québec souffrent d’un sous-investissement qui mine leur compétitivité. Cette situation tient en grande partie à la faible marge de manoeuvre financière des administrations portuaires, affirme Richard Deslauriers, associé, infrastructures et financement de projets, chez PwC. «Les ports québécois, de manière générale, ne sont pas assez rentables pour effectuer des investissements importants par eux-mêmes dans leurs propres infrastructures», dit-il en entretien avec Les Affaires, en marge d’une récente conférence sur la stratégie maritime du Québec, organisée par les Événements Les Affaires.
Pour pouvoir répondre à la demande et accroître la fluidité des marchandises ou du vrac qu’ils manutentionnent, les ports doivent investir régulièrement dans la modernisation de leurs infrastructures ou l’amélioration des accès ferroviaires et routiers.
Toutefois, la plupart des ports commerciaux du Québec ne génèrent pas assez de bénéfices avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) pour investir dans de gros projets sans l’aide des gouvernements, affirme Richard Deslauriers.
Afin d’illustrer son propos, il donne l’exemple d’un projet de 50 M$ (ce qui n’est pas du reste un investissement majeur pour un port), qui serait financé par emprunt, à un taux d’intérêt de 5 %, et amorti sur 15 ans. Cela représenterait un service annuel de la dette d’environ 4 M$ (sans tenir compte des intérêts capitalisés durant la période de construction).
Seuls les ports de Montréal, de Québec et de Sept-Îles pourraient financer un tel projet avec leurs propres capitaux, selon Richard Deslauriers. Pourquoi ? Parce que ce sont les seuls a avoir réalisé un BAIIA supérieur à 4 M$ en 2014. L’an dernier, les administrations portuaires de Montréal, de Québec et de Sept-Îles ont respectivement enregistré un BAIIA de 36,4 M$, de 8,1 M$ et de 7,3 M$. «Les ports de Trois-Rivières et de Saguenay ne pourraient pas par exemple autofinancer un projet de 50 M$», souligne Richard Deslauriers.
L’an dernier, les administrations portuaires de Trois-Rivières et de Saguenay ont dégagé un BAIIA de 3,8 M$ et de 752 100 $, respectivement.
«Dans ce contexte, combien de ports au Québec peuvent faire un investissement de 300 M$ ? Il faudrait trouver une manière d’augmenter la rentabilité de nos ports si l’on veut que les administrations puissent investir davantage dans les infrastructures», dit Richard Deslauriers.
Les solutions pour améliorer la rentabilité des ports
Comment aider les ports à financer leurs investissements ? Outre le soutien direct des gouvernements, l’associé chez PwC propose plusieurs avenues.
D’une part, les ports pourraient négocier, lors du renouvellement des baux, un meilleur partage de la rentabilité avec les exploitants de terminaux qui «sont très rentables», selon lui. «Les ports doivent être plus gourmands !» dit-il.
D’autre part, les gouvernements devraient diminuer les contributions exigées des ports, c’est-à-dire les redevances versées au fédéral et les paiements de taxes foncières remis aux municipalités.
Enfin, Richard Deslauriers estime que les ports devraient recourir beaucoup plus au marché des capitaux, en émettant par exemple des obligations à long terme dont les taux d’intérêt «sont très avantageux», selon lui.
À ses yeux, les utilisateurs des ports devraient aussi participer au financement des projets.
Par exemple, le nouveau quai multiusager du port de Sept-Îles – qui n’est pas encore en service – a nécessité un investissement de 220 M$, dont 110 M$ qui seront assumés par les cinq sociétés qui l’utiliseront, soit Alderon Iron Ore Mining, Champion Iron, New Millennium, Tata Steel et Labrador Iron Mines.
Cette dernière s’est toutefois placée le 2 avril sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Selon Radio-Canada, l’entreprise n’aurait versé que la moitié des 12,8 M$ qu’elle devait investir dans cette infrastructure.