Annie Mathieu et Michel Corbeil, Le Soleil, publié le 15 septembre 2015
(Québec) À un mois du scrutin fédéral, Le Soleil a demandé aux quatre principaux partis politiques que les Québécois ont élus à Ottawa de déléguer deux candidats locaux pour discuter des enjeux qui touchent la région de la capitale. Aujourd’hui, Charles Mordret (Québec) et Caroline Pageau (Louis-Hébert), du Bloc québécois.
La région de Québec compte autant d’indépendantistes qu’à l’époque où le Bloc y faisait élire une majorité de députés, croient les candidats Caroline Pageau et Charles Mordret. Il suffit de les convaincre de ne pas voter NPD comme au précédent scrutin parce que «sortir Harper, ce n’est pas un projet de société».
Les sondages leur sont très défavorables. Et les résultats obtenus en 2011 ne sont pas plus encourageants. Les bloquistes se disent pourtant «très confiants» de ramener dans leur giron les électeurs qui les ont largués au fil des années. Il y a quatre ans, ce sont les néo-démocrates qui ont obtenu la faveur des souverainistes, analysent-ils.
Selon Charles Mordret, la vague orange est simplement la manifestation que les Québécois voulaient chasser le gouvernement conservateur. «Il y a un bon taux de gens qui appuient la souveraineté à Québec ou, dans tous les cas, dans mon comté», dit celui qui tente sa chance dans le centre-ville, une circonscription représentée pendant 18 ans par la bloquiste Christiane Gagnon.
La tentation de répéter l’expérience des dernières élections est encore forte, admet Caroline Pageau. «Il y a des indépendantistes qui ne sont encore pas certains, des gens qui ont voté NPD à la dernière élection. Un de nos objectifs, c’est de leur rappeler que ça n’a rien changé, que ça n’a pas fait débarquer Harper du tout et que ce n’est pas ici que ça va se jouer», explique-t-elle. «Sortir Harper, ce n’est pas un projet de société», ajoute son collègue qui déplore la campagne «éhontée» de Thomas Mulcair «qui prend les électeurs pour acquis».
Selon les deux représentants du parti de Gilles Duceppe, qui font totalement abstraction de leurs adversaires conservateurs ou libéraux, la réponse sur le terrain est excellente, d’autant plus qu’ils disent bénéficier de l’appui du Parti québécois. Ils affirment sentir une évolution dans la campagne où les néo-démocrates perdraient du galon, notamment en Ontario. «C’est en train de changer la donne», assure M. Mordret. Il estime que les chances de l’élection d’un gouvernement minoritaire sont de 98 % et parie sur un premier ministre libéral ou conservateur.
Mauvaise représentation
Selon lui, l’équipe du NPD dans la région a démontré plus souvent qu’à son tour qu’elle ne représentait pas les intérêts des citoyens. Comme lorsque le contrat des navires fédéraux de 33 milliards $ a échappé à la Davie et que les députés nouvellement élus ont publié un communiqué «disant qu’ils n’ont rien à dire».
«La capitale nationale a besoin de gens qui ont de la gueule», soutient M. Mordret. Il rappelle que la Ville de Québec est le siège de l’administration publique. «Le député doit jouer un rôle de leader», insiste-t-il à plusieurs reprises tout au long de l’entrevue, où lui-même a monopolisé l’essentiel des échanges. Les bloquistes élus dans le passé ont davantage laissé leur marque dans la région, soutiennent en choeur Mme Pageau et M. Mordret, qui ne sont cependant pas en mesure d’évoquer un projet que leurs collègues ont réussi à faire avancer.
Lorsque questionnés sur leurs priorités régionales, ils mentionnent le projet d’oléoduc d’Énergie Est qu’il faudrait arrêter à tout prix et le respect du champ des compétences provinciales dans les dossiers comme celui du projet d’agrandissement du port de Québec ou de la peinture du pont de Québec. Ils promettent d’en dévoiler davantage au fil des semaines alors que la campagne est, selon eux, toujours très jeune.
Examen environnemental au port: pas de place pour Ottawa
Ottawa n’a pas sa place dans l’examen environnemental de l’agrandissement du port de Québec, soutient le Bloc québécois. Seul le Bureau des audiences publiques sur l’environnement, qui relève du Québec, devrait se pencher sur le projet, poursuivent les deux candidats. «Nous sommes au Québec, tranche Charles Mordret. Les lois québécoises s’appliquent partout», y compris sur ce territoire fédéral. Pour Caroline Pageau, les Québécois «se sont donné un outil, ici, qui s’appelle le BAPE». «Le port n’est pas une enclave», poursuit M. Mordret, qui se présente de la circonscription où se trouvent les installations. «Ce n’est pas un fief où on déciderait quelles lois on suit ou quelles lois on ne suit pas. Le port appartient aux gens de Québec depuis Samuel de Champlain.» L’aspirant député tient à souligner que lui et son parti sont «favorables au développement économique, favorable au développement du port. C’est bien qu’on ait un port et quand le port va bien, l’économie de Québec va bien.»