Limoilou–Basse-Ville à Québec : Une qualité de l’air « préoccupante », conclut un rapport

(Québec) La qualité de l’air reste « préoccupante » pour la santé des résidants dans le secteur Limoilou–Basse-Ville à Québec, conclut un comité d’experts dans un rapport de 1200 pages dévoilé mardi. Les auteurs pointent une série de coupables, dont le chauffage au bois, les activités au port de Québec ou encore la société minière Glencore.

GABRIEL BÉLAND, LA PRESSE, le 31 janvier 2023

Le Groupe de travail sur les contaminants atmosphériques (GTCA) créé par le gouvernement caquiste pour analyser la qualité de l’air dans ce secteur pollué de Québec pointe par ailleurs le rôle négatif joué par les autoroutes et le transport. C’est dans ce même secteur que le gouvernement envisage de faire sortir son troisième lien, un controversé projet de tunnel autoroutier.

L’enjeu de la qualité de l’air dans le secteur Limoilou–Basse-Ville est préoccupant quand on la compare à d’autres secteurs de la ville de Québec et d’autres villes au Québec et au Canada.

Extrait du rapport du Groupe de travail sur les contaminants atmosphériques

Même si la qualité de l’air s’améliore globalement à Québec, elle « s’améliore moins vite dans le secteur Limoilou–Basse-Ville qu’ailleurs ». Le GTCA montre du doigt les particules fines, l’oxyde d’azote et le nickel.

Ce sont les particules fines, spécifiquement les PM2,5, qui préoccupent le plus les experts. « Les concentrations moyennes annuelles de particules fines à la station Vieux-Limoilou sont parmi les plus élevées de la province », écrivent les auteurs.

Le chauffage au bois serait le principal responsable, avec les transports. La Ville de Québec dénombre 25 000 appareils de chauffage et estime que de 5000 à 8000 d’entre eux seraient non conformes. Leurs propriétaires sont tenus de les remplacer par des modèles moins polluants d’ici 2026, ce qui réjouit les experts.

« La Ville de Montréal a déjà pris ce virage et des améliorations significatives sont observées après l’implantation il y a maintenant 10 ans », écrivent-ils.

Nickel : « situation inacceptable »

Le gouvernement Legault a permis en 2022 à l’industrie d’émettre plus de nickel dans l’air. Cette décision a été prise dans l’optique de développer la « filière batterie » au Québec.

La mesure a suscité les protestations nourries de plusieurs groupes citoyens du quartier Limoilou et de la Ville de Québec. En réponse, le ministère de l’Environnement a mis en place ce groupe de travail indépendant. Le GTCA note que « des dépassements de la norme nickel sont encore observés, une situation inacceptable pour une partie de la population ».

La société minière Glencore, qui transborde dans le port de Québec du nickel extrait de la mine Raglan, au Nunavik, est mise en cause. Le Groupe de travail recommande à l’entreprise de modifier sa méthode de transbordement « pour réduire, voire éliminer, ce risque à la source ».

« Le GTCA a constaté qu’il y a encore de l’incertitude toxicologique entourant le risque de cancer dû au nickel », écrivent les experts.

« Un argument contre le troisième lien »

Le rapport ne manque pas de souligner l’impact des transports dans la pollution de l’air de ce secteur ceinturé par les autoroutes. « Le trafic dans le secteur à l’étude est une source appréciable. Il est alimenté par le trafic urbain et les autoroutes. »

Le Groupe de travail recommande donc « de mettre en place une stratégie de mobilité durable axée sur les transports collectifs et actifs pour réduire les émissions ».

Le député local Sol Zanetti n’a pas manqué d’y lire un désaveu du projet de troisième lien, qui doit sortir dans ce secteur, près d’ExpoCité.

« C’est un argument de plus contre le troisième lien qui, on le sait, amènerait des dizaines de milliers, peut-être 50 000 voitures au centre-ville de Québec de plus chaque jour », a déploré le député solidaire de Jean-Lesage après le dévoilement du rapport.

Le maire de Québec a bien reçu le rapport. « On ne peut pas dire qu’il y a un seul coupable. Ç’aurait peut-être été plus facile […]. Mais si vous lisez le rapport, vous allez voir que nous sommes nombreux à avoir une responsabilité », note Bruno Marchand.

Selon lui, la Ville de Québec a déjà mis plusieurs mesures en place qui vont améliorer la qualité de l’air dans Limoilou, comme l’obligation de poêles à bois certifiés d’ici 2026 ou encore la construction de l’usine de biométhanisation.

Le ministre de l’Environnement n’était pas présent à la présentation du rapport mardi soir. Benoit Charette a toutefois écrit sur Twitter qu’il allait « prendre le temps d’analyser le rapport » avant de « rencontrer rapidement l’ensemble des acteurs concernés ». « S’il y a des actions à prendre, nous allons travailler ensemble pour assurer une meilleure qualité de l’air du secteur », a-t-il écrit.

Le Groupe de travail a présenté son rapport mardi soir dans un hôtel de la Haute-Ville. « Je déplore que cette présentation n’ait pas eu lieu en Basse-Ville, auprès des gens concernés », a lancé au micro un citoyen lors de la période des questions.

Un autre citoyen s’est dit peiné du « peu de temps pour se préparer ». Le rapport de 1213 pages a été dévoilé vers 15 h mardi et la soirée d’information était à 19 h.

Le président du Groupe de travail a répondu qu’il n’avait choisi ni le lieu de la soirée d’information ni « la stratégie de diffusion du rapport ». Le citoyen a demandé si c’était le ministère de l’Environnement. « Ce n’est pas nous, en tout cas », a répondu le chimiste Jean-Pierre Charland.

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