Tout est nickel pour l’industrie minière et le Port de Québec

VÉRONIQUE LALANDE ET LOUIS DUCHESNE, Initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec

Point de vue, Le Soleil, 24 juin 2021

En 2013, à la suite de l’incident de dispersion de poussière de minerais de fer dans les quartiers voisins des opérations de manutention de matières solides en vrac au port de Québec, nous avons mis au jour que les concentrations de nickel dans l’air des quartiers centraux de Québec étaient largement supérieures aux normes en vigueur et que ces concentrations anormalement élevées de métaux toxiques existaient depuis plusieurs années. Les analyses et expertises réalisées ensuite par le ministère de l’Environnement du Québec avaient permis de conclure que les activités liées au transbordement de minerais au port de Québec étaient à l’origine de cette pollution.

La norme sur les concentrations de nickel dans l’air a été établie en juin 2011 par le Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère. Elle était alors fixée à 12 nanogrammes par mètre cube (ng/m3), basée sur la moyenne annuelle de la concentration de nickel dans les particules totales en suspension (PST). À titre de référence, la concentration de particules fines (diamètre < 2,5 microns, ou PM2,5) de nickel dans l’air au Canada est en moyenne de 1 ng/m3 et l’Agence de protection environnementale des États-Unis (US-EPA) a établi une valeur toxicologique de référence pour le cancer du poumon à 2 ng/m3, une valeur utilisée comme référence pour le seuil de risque cancérogène par la Direction régionale de santé publique de la Capitale-Nationale en avril 2013.

En décembre 2013, la norme québécoise de 2011 a été remplacée par une norme de 14 ng/m3 s’appliquant à la concentration de nickel dans la fraction des particules de moins de 10 microns (PM10) moyennée sur 24 heures. Le ministère de l’Environnement avait initialement suggéré que cette norme s’applique aux PST comme en 2011, mais le lobbying industriel avait réussi à convaincre les autorités de restreindre la mesure aux PM10. Malgré cela, les mesures de qualité de l’air réalisées à la station Vieux-Limoilou, située à proximité du parc d’Iberville à Québec, révèlent que cette norme demeure fréquemment et largement dépassée depuis son entrée en vigueur en 2013, même si le positionnement de la station ne permette de détecter qu’une fraction des dépassements à cause de la direction variable du vent.

En mars dernier, le gouvernement Legault annonçait par voie de communiqué qu’il déposera prochainement un projet de règlement visant à hausser la norme journalière de nickel actuelle de 14 ng/m3 à 70 ng/m3, soit un relâchement d’un facteur cinq. Le projet de règlement prévoit aussi l’ajout d’une norme annuelle de 20 ng/m3, soit une norme 67 % plus permissive que la norme en vigueur de 2011 à 2013…, en supposant qu’elle s’applique aux PST. En effet, le communiqué ne précise pas la taille des particules à laquelle réfère la nouvelle norme, un élément pourtant fondamental à l’établissement de normes sur la qualité de l’air et qui pourrait représenter un allègement de la norme encore plus important.

Selon le communiqué, un comité interministériel, sur lequel l’industrie était fortement représentée au moment de sa création, «a déterminé qu’il est avantageux de réviser la norme sur le nickel afin d’obtenir une solution optimale sur les plans de la protection de la santé publique, de l’environnement et du développement économique». Or, seule l’industrie bénéficierait d’un allègement des normes sur la qualité de l’air. Ces bénéfices se feraient au détriment de la santé publique et de l’environnement. Lors des travaux préliminaires, auxquels nous avons participé, il était très clair que l’industrie souhaitait définir la norme qu’elle considérait comme acceptable pour ses capacités. Le lobby de l’industrie minière aura réussi à fortement influencer cet allègement de la norme sur les particules de nickel dans l’air. Apparemment, les défenseurs du bien commun auront eu peu de poids, voire peu de chances de faire valoir leurs droits.

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