Laurentia : l’Université Laval « plus impliquée qu’elle ne le prétend »

David Rémillard, Radio-Canada, le 14 avril 2021

Des opposants au projet Laurentia promettent de faire pression sur la direction de l’Université Laval ce printemps pour qu’elle se dissocie du projet de terminal de conteneurs piloté par le Port de Québec. Selon eux, l’université est « plus impliquée qu’elle ne le prétend » publiquement, voire instrumentalisée pour mousser l’acceptabilité sociale du projet.

Le mouvement écologiste La Planète s’invite à l’Université Laval refuse de lâcher le morceau et promet d’accentuer la pression sur l’institution au cours des prochaines semaines.

Dans un échange de courriels avec Radio-Canada, l’organisation dit relancer la mobilisation après avoir mis la main sur une entente entre l’institution et les différents partenaires du projet, dont le géant chinois Hutchison Ports.

Le document, daté du 22 juin 2020, a été signé par les parties le jour même où l’Administration portuaire de Québec diffusait une vidéo faisant la promotion de Laurentia. Une vidéo dans laquelle la rectrice de l’université, Sophie D’Amours, prend la parole aux côtés, notamment, des dirigeants du Canadien National et d’un représentant d’Hutchison Ports.

Toujours en ligne, on y présente le projet Laurentia comme la création d’un nouvel écosystème mondial d’innovation et d’intelligence, à travers la Zone d’innovation du Littoral Est. Le terminal y est aussi décrit comme la future porte d’entrée vers le marché du Midwest américain.

Engagements

L’établissement d’enseignement avait d’ailleurs dû se défendre d’appuyer le projet Laurentia, l’automne dernier, notamment en raison de cette vidéo. Dans un message envoyé à la communauté universitaire, en décembre, l’Université déclarait être ni pour ni contre la construction du terminal de conteneurs en eau profonde dans la baie de Beauport.

L’Université Laval insiste à l’effet qu’elle n’est associée qu’au développement de la Zone d’innovation du Littoral Est, qu’elle qualifie de projet distinct de Laurentia.

Mais pour La Planète s’invite à l’Université Laval, le contenu de l’entente, qui porte uniquement sur la zone d’innovation, est beaucoup plus engageant que ce que laisse entendre la direction universitaire. D’autant plus, ajoute le mouvement, qu’elle est signée par les trois principaux bailleurs de fonds privés (500 millions de dollars) du projet Laurentia, soit le Port de Québec, Hutchison Ports et le CN.

Le document indique clairement que l’Université Laval s’engage à contribuer à la connexion des établissements d’enseignement à la recherche et le développement des chaînes d’approvisionnement maritime et terrestre, dénonce l’organisme. Ces activités, poursuit l’organisation, correspondent à celles du projet Laurentia, dont les principaux acteurs sont signataires de l’entente.

« Le contenu de l’entente va à l’encontre des dernières communications de la direction qui se disait ni pour ni contre le projet. » Anthony Cadoret, militant de La Planète s’invite à l’Université Laval

Consultée par Radio-Canada, l’entente implique aussi la création d’un comité de coordination duquel ferait partie un membre de chaque organisation signataire. Dans le cas de l’Université Laval, le document indique que Danielle Poiré, chef de cabinet de la rectrice Sophie D’Amours, est la personne désignée.

Les termes de l’entente prévoient que celle-ci soit valide pour une durée de 12 mois à partir du 22 juin 2020, mais reconduite si jugé nécessaire.

Quelques engagements de l’entente…

  • Les parties travailleront ensemble afin d’échanger les initiatives et les meilleures pratiques pour soutenir les entreprises en démarrage liées la chaîne d’approvisionnement maritime et terrestre.
  • Les parties travailleront ensemble pour connecter les institutions d’enseignement et les entreprises en démarrage, afin de créer des occasions de collaboration en recherche et développement.
  • Les parties s’engagent à coopérer et à partager de l’information pertinente et des pratiques opérationnelles éprouvées. En particulier, les parties répondront aux questions et aux commentaires des autres parties dans la mesure du possible, de façon ouverte en coopération.

Projets distincts

Tant l’Administration portuaire de Québec que l’Université Laval maintiennent que Laurentia et la zone d’innovation sont deux projets distincts. Invitée à réagir au sujet du contenu du protocole d’entente cité par les opposants, l’Université a répété les mêmes lignes qu’il y a quatre mois.

L’Université Laval n’est ni pour ni contre le projet d’affaires Laurentia. C’est dans le cadre du projet de la Zone d’innovation du Littoral Est qu’elle a développé un partenariat de recherche avec le Port de Québec afin de mettre à contribution ses expertises, insiste la direction des communications. Le projet Laurentia est quant à lui un projet d’affaires distinct.

L’Université Laval admet toutefois que son rôle dans la zone d’innovation pourrait être influencé par l’avenir de Laurentia. Le déploiement du projet Laurentia, si les gouvernements en décident ainsi, permettra à notre partenariat de recherche avec le Port d’entreprendre de nouvelles collaborations, précise-t-on.

Ces collaborations seraient notamment réalisées avec deux grands joueurs internationaux dans le développement portuaire, [soit] PortXL et le Port de Rotterdam, lesquels ont aussi conclu des protocoles d’entente avec le Port de Québec et les promoteurs de Laurentia.

« La lettre d’intention [entente] reflète ainsi les intentions de l’Université Laval quant aux projets de recherche qui pourraient être réalisés si le projet Laurentia devait aller de l’avant. » Extrait d’un courriel de la direction des communications de l’Université Laval

Le Port de Québec abonde dans le même sens et continue de défendre l’implication de l’Université Laval, comme il l’avait fait l’automne dernier. Il n’a jamais été question que l’Université Laval soit liée aux promoteurs du projet Laurentia ou autres projets, affirme Frédéric Lagacé, directeur Affaires publiques et Contenus stratégiques pour l’Administration portuaire de Québec.

L’entente avec l’UL s’inscrit dans un objectif de recherche et d’innovation lié au projet de la Zone d’innovation du Littoral Est et pour lequel le port est partie prenante, notamment avec les ententes pour la mise en place d’un écosystème d’innovation avec PortXL et le Port de Rotterdam, ajoute M. Lagacé.  

Bien que les deux organisations scindent les deux projets, Laurentia et la Zone d’innovation du Littoral Est sont souvent cités conjointement. Dans le plan de développement de la zone d’innovation, la Ville de Québec espère attirer un centre de recherche internationale sur la logistique des transports. Or tant qu’on n’aura pas réglé Laurentia, ça n’avancera pas, avait dit le maire de Québec l’automne dernier.

Appui prématuré

Le mouvement La Planète s’invite à l’Université Laval n’est pas seul à s’opposer à Laurentia sur le campus. Les associations étudiantes de tous les cycles se sont positionnées contre la direction universitaireDes professeurs ont également dénoncé les engagements pris par la rectrice.

Pour plusieurs, une telle implication de l’Université Laval, avant la décision finale de l’Agence d’évaluation d’impacts du Canada, est prématurée.

La participation de l’Université Laval à ce moment-ci est irresponsable, car sa participation sert de levier supplémentaire au Port de Québec pour favoriser la réussite du projet Laurentia, affirme Anthony Cadoret, de La Planète s’invite à l’Université Laval.

L’automne dernier, le Syndicat des professeurs de l’Université Laval réclamait une réserve de la part de l’institution. Une université, ça se doit d’être neutre, disait son président.

L’Agence d’évaluation d’impacts du Canada a accordé un délai de trois mois au Port de Québec. De nouveaux documents produits par l’administration portuaire sont maintenant sous analyse.

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