BAPTISTE RICARD-CHÂTELAIN, Le Soleil, publié le 24 octobre 2018
Ce mercredi, l’homme fort du port a témoigné au palais de justice de la capitale dans le cadre du recours collectif intenté par d’anciens résidents du quartier Limoilou. Le passage de Mario Girard devant le juge Pierre Ouellet de la Cour supérieure devait durer tout au plus 30 minutes. Il sera finalement resté debout deux heures pour épuiser les questions des avocats.
M. Girard a notamment indiqué que sa préoccupation première, à l’époque, était de savoir s’il y avait un risque pour la santé, ce qui ne serait pas le cas. Il voulait ensuite s’assurer que les dommages seraient remboursés et que des mesures correctives seraient mises en place pour qu’un tel événement ne se reproduise pas.
Le Port nie toutefois avoir commis une quelconque bévue. «C’est directement la responsabilité de [Arrimage Québec] et c’est évidemment eux qui doivent payer la note», a-t-il répété.
Il critique d’ailleurs l’entreprise qui, selon lui, aurait pu admettre ses torts bien avant pour écourter le procès en cours. «C’est sûr que si vous me demandez si j’avais préféré que [Arrimage Québec] reconnaisse sa responsabilité plus tôt, c’est-à-dire en novembre 2016, on aurait sauvé 16 mois dans le dossier au complet pour que les citoyens soient dédommagés.»
Il rappelle au passage qu’Arrimage Québec avait, dans un premier temps, reconnu sa faute. Dans un communiqué de presse émis en décembre 2012, peu après la contamination, elle se disait d’ailleurs prête à rembourser les réclamations des citoyens… Puis, faisant face à une poursuite, la compagnie avait changé son fusil d’épaule.
«Plusieurs kilomètres»
Sous serment, Mario Girard a, en outre, lu ce qui était écrit dans certains de ses courriels de 2012, à savoir que la poussière rouge s’est répandue sur un «assez grand périmètre dans Limoilou», «sur plusieurs kilomètres».
Le pdg du port précise cependant que, pour lui, même si seulement 10 maisons avaient été touchées, ce serait déjà assez pour qualifier l’épisode de «problème majeur», voire de «crise».
En mêlée de presse, M. Girard a refusé de se prononcer sur la grandeur exacte du «périmètre» souillé par le nuage d’oxyde de fer. «La zone, ce n’est pas important. L’important pour moi c’est que tous les citoyens soient dédommagés.»
Combien devraient-ils toucher, ces Basse-Vilains rougis? Avant que le recours collectif soit autorisé en janvier 2013, 20 habitants de Limoilou avaient été indemnisés par Arrimage — la judiciarisation a toutefois mis fin aux paiements. «Je me rappelle qu’il y a des chèques de quelques centaines de dollars qui ont été remis aux citoyens qui avaient subi des inconvénients.»
Rappelons que la Compagnie Arrimage Québec a admis en mars dernier être responsable de l’épisode de poussière rouge qui a recouvert la basse ville dans la nuit du 25 au 26 octobre 2012. Le brouillard d’oxyde de fer émanait de ses installations, dans le secteur Beauport du port.
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ENCORE DEUX SEMAINES DE PROCÈS
Il reste encore deux semaines de procès pour le recours collectif des citoyens de la basse ville de Québec incommodés par le nuage de poussière rouge rejeté depuis le port de Québec à l’automne 2012. Le dossier est lourd.
Déjà, une trentaine de résidents des quartiers centraux ont témoigné. C’était le tour d’Arrimage Québec, l’entreprise mise en cause, et de l’administration portuaire de Québec cette semaine. La Ville de Québec et le ministère de l’Environnement devront également être entendus, note un des avocats de la poursuite, François Pinard-Thériault.
La semaine prochaine sera plus pointue. Les experts présenteront leurs observations. La semaine suivante, les avocats livreront leurs plaidoiries. Puis le juge se retirera.
Mais ce ne sera pas la fin du face-à-face. Un autre recours collectif suivra, cette fois pour dénoncer le salissage récurrent de la basse ville par le port, pas seulement le jour de la poussière rouge, selon l’allégation de la poursuite.