Terminal de Contrecoeur: Québec contrevient à sa propre loi

Alexandre Shields avec Jeanne Corriveau, Le Devoir, publié le 2 février 2018

Le gouvernement Couillard contreviendrait à sa propre Loi sur la qualité de l’environnement en n’obligeant pas le Port de Montréal à soumettre son projet de terminal de Contrecoeur à une évaluation environnementale complète, selon la réglementation québécoise, a appris Le Devoir.

Avocat spécialisé en droit de l’environnement, Jean Baril est catégorique : le gouvernement du Québec « ne respecte pas » la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) en laissant le gouvernement fédéral diriger l’évaluation du futur terminal de conteneurs qui doit être construit sur la rive sud du Saint-Laurent.

Selon Me Baril, Québec omet en fait d’appliquer le Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement, une disposition de la LQE. Celui-ci précise en effet « la construction ou l’agrandissement d’un port ou d’un quai » est assujetti à une telle procédure d’évaluation.

Concrètement, cela signifie que le Port de Montréal aurait dû déposer un « avis de projet » au ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. L’Administration portuaire de Montréal aurait ensuite reçu une « directive » de la part du ministre de l’Environnement du Québec, en vue de la réalisation d’une étude d’impact.

Au terme de la réalisation de l’étude d’impact à la satisfaction du ministère, un examen du projet de terminal de Contrecoeur aurait vraisemblablement été mené sous l’égide du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), précise Jean Baril.

« Il ne faut pas que le Québec abandonne sa compétence environnementale sur son territoire, ce qui semble être le cas, ajoute l’avocat. Et nous sommes mis devant le fait accompli, parce que les audiences fédérales sont sur le point de débuter. »

Un projet de 750 millions

Le Port de Montréal a présenté jeudi les grandes lignes de son projet dans le cadre d’une rencontre avec les médias.

Selon ce qui a été précisé, le projet de 750 millions devrait faire l’objet d’audiences publiques de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale pour une période de trois jours, à la fin du mois de février. C’est dans le cadre de ces audiences que les citoyens pourront poser des questions, après avoir pris connaissance de la documentation disponible, qui totalise 7766 pages.

Québec participe

Interpellé par Le Devoir, le cabinet de la ministre de l’Environnement Isabelle Melançon a confirmé que le processus d’évaluation est dirigé par le gouvernement fédéral.

« Il a été convenu de procéder à l’analyse de ce projet par l’intermédiaire de la procédure d’évaluation environnementale de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale à laquelle le Québec sera partie prenante, dans l’esprit de l’Entente de collaboration Canada-Québec en matière d’évaluation environnementale. Tous les partenaires sont en lien dans ce dossier », a indiqué le cabinet de la ministre.

Selon Québec, cette façon de faire permettra au gouvernement de « participer pleinement à l’évaluation du projet ». Des « recommandations » ont aussi été « prises en compte » dans le cadre de l’évaluation fédérale.

La décision du gouvernement Couillard ne change rien aux obligations de respect de la LQE, réplique Jean Baril.

« Pour que les travaux de construction du terminal débutent, il faudra une autorisation du Québec. Sinon, des groupes pourront contester devant les tribunaux la légalité des travaux, parce qu’ils ne respecteront pas la Loi sur la qualité de l’environnement et son Règlement. »

Il existe d’ailleurs des cas où des projets portuaires sur le Saint-Laurent ont fait l’objet d’une évaluation du BAPE, rappelle Me Baril. C’est le cas pour le projet de Rabaska, mais aussi pour celui du terminal méthanier de Cacouna.

Le directeur général de Nature Québec, Christian Simard, dénonce pour sa part des « reculs systématiques » en matière d’évaluation environnementale, rappelant le cas du projet d’expansion du port de Québec.

« Les impacts d’un projet aussi majeur ne se limitent pas au seul terrain du port. Il y a des impacts en raison du dragage, mais aussi de la possible diffusion de contaminants, notamment dans l’eau. Il y a donc des compétences québécoises en jeu. »

UN PROJET AMBITIEUX

Le projet de nouveau terminal de Contrecoeur est absolument nécessaire pour gérer la « croissance » de la demande en matière de transport de conteneurs que prévoit le Port de Montréal.

Selon ce qu’a fait valoir jeudi la vice-présidente des affaires publiques à l’Administration portuaire de Montréal (APM), ce projet permettra de préparer le développement anticipé au cours des prochaines décennies.

Elle a d’ailleurs confirmé que le nouveau terminal de 750 millions de dollars permettra à lui seul de transborder chaque année 1,5 million de conteneurs. C’est l’équivalent de tous les conteneurs manutentionnés par le Port de Montréal l’an dernier.

« Il y a une demande des clients » pour le développement, « parce que le port est très concurrentiel, par rapport à ceux de la côte est américaine », a-t-elle ajouté en réponse aux questions des journalistes.

La mairesse de Contrecoeur, Maud Allaire, accueille à bras ouverts le projet d’expansion du Port de Montréal.

« Ici, on en parle depuis le début des années 1980. […] C’est une grosse roue économique pour notre ville et pour toute une région », a-t-elle dit en évoquant la création de 5000 emplois pendant le chantier et les 1000 emplois permanents qui suivront lorsque le terminal sera construit.

Maud Allaire a aussi assuré que la Ville de Contrecoeur travaillera de concert avec le ministère des Transports du Québec pour l’élaboration d’un plan de circulation compte tenu du passage éventuel de 1200 camions par jour dans sa municipalité.

La mairesse de Montréal et présidente de la Communauté métropolitaine de Montréal, Valérie Plante, a elle aussi salué l’avancée des travaux menés par l’Administration portuaire. « Le projet de terminal à Contrecoeur permettra au Port […] d’accroître ses activités et de rivaliser avec les grands ports américains », a-t-elle indiqué par voie de communiqué.

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