Recours collectif sur la poussière rouge: trop tôt pour interroger le pdg du Port

Isabelle Mathieu, Le Soleil, publié le 13 septembre 2016

(Québec) Les citoyens de Limoilou engagés dans une poursuite en recours collectif n’ont pas – encore – le droit d’interroger le pdg du Port de Québec, Mario Girard, sur les émissions de poussière.

Deux ans après l’autorisation du premier recours collectif, qui vise uniquement l’épisode de poussière rouge du 25 au 26 octobre 2012, le juge Pierre Ouellet de la Cour supérieure estime qu’il est prématuré de permettre aux avocats de Véronique Lalande et Louis Duchesne d’interroger le patron de l’administration portuaire.

Dans une décision rendue le 9 septembre, le juge Ouellet a accueilli la demande de la défense et casse les citations à comparaître envoyées à Mario Girard et Ivan Boileau, qui est lui vice-président de la Compagnie d’arrimage de Québec (CAQ).

L’avocat des citoyens de Limoilou voulait rencontrer les deux cadres avant les interrogatoires des citoyens victimes de l’émission de poussière, prévus à la fin septembre. Il plaidait que l’interrogatoire des deux dirigeants était important afin «d’obtenir de plus amples informations qui ne sont que sous le contrôle des défenderesses dont les demandeurs ont besoin pour rencontrer leur fardeau de preuve».

Les avocats du Port et de la Compagnie d’arrimage de Québec qualifiaient de prématurées les comparutions des dirigeants portuaires car les défenderesses n’ont pas encore présenté leurs moyens de contestation. Le Port et la CAQ ont jusqu’au 14 novembre pour déposer leur défense.

Le juge Pierre Ouellet estime que les interrogatoires de Mario Girard et Ivan Boileau doivent se tenir «dans un cadre procédural plus précis, une fois connues les allégations des défenses, et en une seule séquence».

Du même souffle, le juge Ouellet refuse la demande de documents présentée par les citoyens de Limoilou.

Le premier type de documents demandés par les citoyens, soient les baux entre le Port et CAQ depuis 2001, ne devrait pas poser de problème, affirme le juge Ouellet.

Le hic, dit le juge, c’est que les demandeurs veulent aussi obtenir tous les documents (correspondance, mémos, rapports, etc.) en possession de CAQ ou du Port relatifs à l’émission de poussière dans le secteur Beauport depuis 2001. Les instigateurs du recours s’intéressent notamment aux plaintes des citoyens et aux communications entre la Compagnie d’arrimage de Québec et les gouvernements ou la Ville de Québec au sujet de la poussière.

Les demandeurs veulent aussi obtenir les politiques mises en place concernant la manutention des matières en vrac et les mesures établies pour éviter leur dispersion dans l’atmosphère.

Les défendeurs soumettent que la demande doit être rejetée notamment parce que les demandeurs en ont déposé une similaire dans le second recours collectif.

Les demandeurs ratissent beaucoup trop large, conclut le juge Ouellet. Oui, les citoyens peuvent utiliser le «plan d’utilisation des sols» datant de 2001 pour démontrer la responsabilité du Port dans l’événement du 25 au 26 octobre 2012. «Cela ne signifie pas qu’il s’agit d’un blanc-seing pour introduire en preuve toute une série d’éléments sur une période de plus de 10 ans quant à différentes émanations de poussière provenant de l’ensemble des activités du Port risquant de transformer le dossier en une commission d’enquête sur les impacts de la présence d’un port de mer limitrophe à un milieu urbain», fait remarquer le juge Ouellet.

Pas de procès à court terme

Dans sa décision, le juge Pierre Ouellet fait le constat qu’en raison de l’ampleur du dossier et de la disponibilité des ressources judiciaires, «l’instruction au fond ne pourra se tenir à court terme».

Il invite les parties – dont lui-même- «à concentrer leurs efforts afin que les prochaines étapes des procédures soient complétées dans les meilleurs délais» et en évitant la duplication des débats.

Rappel des faits

Nuit du 25 au 26 octobre 2012: un nuage de poussière rouge, qui se révélera être de l’oxyde de fer, se répand sur une partie de Limoilou et de la Basse-Ville de Québec. La citoyenne Véronique Lalande et son conjoint Louis Duchesne commencent une collecte de données qui les mènera jusqu’au dépôt de procédures en dommages pour trouble de voisinage.

22 octobre 2014: La Cour supérieure autorise un premier recours collectif contre le Port de Québec et la Compagnie d’arrimage de Québec pour l’épisode de poussière rouge d’octobre 2012

4 août 2015: La Cour supérieure autorise un second recours collectif contre la Compagnie d’arrimage de Québec et le Port concernant toutes les émanations de métaux, dont la poussière de nickel, depuis le 31 octobre 2010.

Les commentaires sont fermés.